"Rare et fameux esprit.... Pour qui tient Apollon tous ses trésors ouverts"

Ma tête était lourde, particulièrement lourde. Une douleur perçait mes tempes et pressait mes sinus, j'eus de la peine à ouvrir les yeux. J'étais dans ma chambre, je n'y avais plus dormi depuis longtemps, la douceur du coton contre ma peau engourdi mes sens tant elle était agréable. Je ne voulais pas me lever, et puis de toute façon j'avais mal à la tête. Morphée m'attirait encore dans ses bras. La lumière filtrait entre les volets dessinant sur le sol de ma chambre et sur les draps du lit. Elle semblait encore intense, le soleil n'était pas haut.
J'avais encore bu et fait la fête la veille alors que j'avais aussi célébré la nouvelle année il y a deux jours. Le soir du 31 décembre, j'avais retrouvé mes amis et Léon, on avait passé la soirée ensemble, j'avais fait nuit blanche. Le matin du 1er janvier, j'avais regardé le premier levé de soleil de l'année, le début d'une nouvelle révolution. C'est incroyable, je m'étais dit, d'assister au début d'un nouveau tour, de penser que nous étions si petit, nous les hommes, face à la grandeur des dieux. Et je m'étais endormi quelques minutes sur le sable avant d'être réveillé par d’épouvantables courbatures.
Aujourd'hui je n'allais pas reproduire les même erreurs que la veille. Je réunis mes forces et bondit hors de mon lit, un peu étourdi par le choc. Sur mon téléphone, l'horloge affichait neuf heure dix-huit. Je croisai mon regard brumeux dans le miroir de ma chambre alors que j'enfilai un t-shirt qui traînait. Je remis un semblant d'ordre dans mes cheveux en bataille avant de descendre à la cuisine pour prendre mon petit-déjeuner.
Un bol de fromage blanc mélangé à des fruits de saison et flocon d'avoine sur la table, je scrollais sur Instagram en pensant à ma mère que je n'étais toujours pas allé voir. Ça faisait un mois maintenant que j'étais rentré en Grèce. L'autre personne à qui je n'avais pas rendu visite et pour qui j'avais le plus d'admiration, c'était Apollon. Les mots me manquaient pour exprimer ce que je ressentais à son égard. C'était une forme d'amour mais pas un amour romantique, parce que je n'aimais pas Apollon comme ça. Peut-être que plus jeune j'avais pu être timide et avoir eu une sorte de béguin pour lui, mais en grandissant, je compris que ce n'était pas ça. Quelque part, j'aspirais à lui ressembler. Il dégageait de la lumière, c'était un génie des arts, et il avait toujours su me conseiller dans mon apprentissage de la peinture, émettre des critiques constructives et justes. Dans mes moments plus difficiles aussi, je trouvais réconfort à aller le voir.

J'enfilai un jean, pull, je mis mes bottines et j'attrapai mon pantalon avant de prendre la direction d'Orion Street où il vivait. Comme tous les autres, ça faisait un an que je ne l'avais pas vu. Je lui avais donné quelques nouvelles par téléphone mais nous étions sans doute tous les deux trop occupé par nos vies que nous ne pensions pas toujours à nous contacter. En plus, ces derniers mois j'étais au Canada, le décalage horaire n'arrangeait rien. J'avais pris avec moi une petite bouteille de sirop d'érable que j'avais acheté en plusieurs exemplaires pour les offrir autour de moi. J'avais surtout pensé à ma mère, à mes amis et à Apollon. C'était l'occasion de la lui donner.

Apollon vivait en haut d'Orion Street, il y avait quelques marches à grimper d'où on avait par endroits, entre les arbres, une belle vue sur la mer, puis on arrivait au pied d'une villa montée sur colonnes typique de la Grèce antique. J'avais toujours aimé sa maison, elle donnait la sensation de voyager à travers les âges, il possédait des objets uniques que je n'avais parfois jamais vu nulle par ailleurs. À la fois excité et intimidé de le revoir après tant de temps, je saisis le heurtoir et frappai à la porte.

 @Kallias Leventis
 

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